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  • Photo du rédacteurVincent

Le Dada russe, à l'inverse du monde


Entre 1914 et 1924, quelques dizaines d'artistes en Europe se sont sentis obligés de démonter le monde. Après la boucherie de la Première Guerre, rien ne pouvait plus jamais être pareil. Ni l'art, bien sûr. En Russie, Eisenstein, Popova, Rodchenko, Maiakovski... flirtent avec le Dada. Et marquent à jamais l'histoire de l'art. C'est de cet épisode extraordinairement créatif, à travers près de 500 œuvres, que nous parle l'expo du Reina Sofía.

Dadá ruso 1914-1924

Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid

jusqu'au 22 octobre

Ils étaient anarchistes, apatrides, hostiles à toute forme d'abrutissement social. Dada ? Pendant que des poilus héroïques se battent dans les tranchées ? Que la France et l'Allemagne se gazent ? Qui sont ces déserteurs ? Des agités du bocal, des étrangers apatrides, qui ont choisi le nom de leur mouvement contre l'art et la société, au hasard, dans un dictionnaire. Dada, mouvement international d'artistes et d'écrivains, est né d'un intense dégoût pour la guerre qui signait à ses yeux la faillite des civilisations, de la culture et de la raison.

Le musée d'art moderne de Madrid nous invite à une joyeuse rétrospective multimédia : 251 peintures, collages, dessins, 73 photographies, 150 documents et publications, 22 films et œuvres sonores. Les travaux de 90 artistes russes et européens qui correspondent à l'apogée du mouvement Dada, entre la Première Guerre Mondiale et la mort de Lénine en 1924.

Ilin (Nal), Futurisme dans un village, 1914

Le Dada est né à Zurich, dans une ruelle qui sent le saucisson bon marché. Aux commandes de Tristan Tzara, le Cabaret Voltaire est une sorte de bar pop up, une salle au fond d'un bistro, qui vivra six mois, fermé pour tapage nocturne, tapage social, tapage moral. Un des défis les plus hasardeux de l'art européen du 20° siècle. Poètes, musiciens, peintres, photographes, écrivains, cinéastes, dilettantes... passent des nuits blanches, s'enivrent, et donnent corps et non-sens au mouvement le plus anarchiste que produiront les avant-gardes historiques.

Alors qu'en Russie on a plutôt parlé de futurisme pour qualifier l'avant-garde, l'exposition Dadá Ruso voit le vivier créatif à travers les canons du Dada. Les grandes tendances de l'innovation artistique du siècle qui nait sur les ruines morales de l'Europe, juste avant et juste après la Révolution bolchévique, sont partagées par les deux mouvements, et de nombreux artistes russes trouvent dans le constructivisme et le dadaïsme une nouvelle manière de déchiffrer le monde.

Tristan Tzara : "Il nous faut des œuvres fortes, droites, précises, à jamais incomprises."

Les œuvres choisies mettent en évidence l'intention de nombreux créateurs de s'impliquer dans des projets d'agitation publique, d'adopter l'ironie, l'absurde et le hasard comme principes de base de leurs manifestations aristiques. Performances extravagantes, campagnes contre la guerre, négation de l'art classique, fusion du visuel avec le verbal sont communes à l'avant-garde russe et au mouvement international Dada. Ces artistes effervescents (Eisenstein, Kuchónij, Maiakovski, Stepánova, Rodchenko, Popova, Rozanova...) vont élaborer un univers visuel qui dévie de la trajectoire promise du monde, comme en miroir, et comme une conséquence, une protestation, une négation.

Dadá ruso souligne le caractère libertaire de l'art russe de l'époque, sous le joug du parti communiste, et ses implications politiques. Et évoque "l'internationalisation de tous les artistes", qui ont entretenu des relations étroites par-delà toute frontière (entre Moscou, Zürich, Berlin, Paris et New York). Et participé à l'élaboration d'un langage radical : immédiat, aléatoire, irrégulier, spontané, dominé par la contradiction et la liberté absolue de l'individu. Une décennie fascinante, traversée par un mouvement sans but autre que celui d'avancer, renverser les barrières érigées entre culture élitiste et art populaire, sans s'arrêter.

Francis Picabia, à la Marcel Duchamp, image dada de Marcel Duchamp LHOOQ, 1920)

Iliá Zdanévich. Affiche pour une conférence d'ilia Zdanévich, 1921

Natan Altman, Iván Kluin, Gustav Klutsis, El Lisitzki, Kazimir Malévich, Vladímir Mayakovski, Iván Puni, Aleksandr Ródchenko, Olga Rózanova, Varvara Stepánova, Vladímir Tatlin, Iliá Zdanévich, Natalia Goncharova o Francis Picabia, Kurt Schwitters, Man Ray, Tristan Tzara, entre autres.

Les œuvres proviennent de nombreux musées et collections particulières de Russie et du reste de l'Europe : Stedelijk Muséum (Amsterdam), Centre Pompidou (Paris), Musée des Beaux Arts Pushkin, les Archives d'État russes de Littérature et d'Art, entre autres.

Dadá ruso 1914-1924

jusqu'au 22 octobre

lun 10:00 > 21:00 /// mer > sam 10:00 > 21:00 /// dim 10:00 > 19:00 /// fermé le mardi

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