
Madrid et la crise du logement
loyers, Airbnb, ville sous tension
À Madrid, les loyers augmentent plus vite que les salaires, les ultra riches s'installent, les locations touristiques gagnent du terrain, le logement social reste marginal.
Sans changer de visage, la ville évolue.
La situation du logement à Madrid en 2025 : prix des loyers, déficit de construction, pression Airbnb et réponse des pouvoirs publics.
Quelques repères pour comprendre ce qui est en train de se jouer.


Madrid, ville désirable mais de moins en moins accessible
Madrid se transforme. Lentement, méthodiquement. Rien de spectaculaire. Juste une suite de glissements silencieux, jusqu’à rendre la ville un peu plus chère, un peu plus tendue, un peu moins accessible — surtout pour celleux qui y vivent depuis longtemps.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’accélère. Et il dépasse largement la seule question du prix du mètre carré. C’est toute la mécanique urbaine qui s’ajuste, sous l’effet conjugué des politiques fiscales, du tourisme, de la financiarisation du logement et d’une demande toujours plus volatile. Le résultat : une ville qui s’éloigne de son quotidien, sans bruit, mais sûrement.
Madrid attire les ultra-riches : mutation silencieuse, effets réels
Depuis quelques années, Madrid s’impose comme une nouvelle capitale pour les ultra-riches. Rien de clinquant, mais un mouvement profond, qui redessine l’économie locale et le visage de certains quartiers.
Ville refuge pour fortunes globales
Madrid est aujourd’hui la ville la plus recherchée au monde par les ultra-riches (celleux qui ont plus de 30 millions de dollars d’actifs), selon le Global Property Handbook 2025 de Barnes. En cause : climat stable, fiscalité attractive (golden visa, impôt sur la fortune allégé) et qualité de vie.
Des quartiers transformés
Dans Salamanca, Chamberí ou Chamartín, l’immobilier de luxe explose. Le neuf ultra-premium atteint jusqu’à 27 500 €/m² (Cinco Días, mars 2025). Des immeubles entiers sont restructurés pour répondre à la demande — souvent étrangère (Amérique latine, Asie, États-Unis).
Investissement massif, rendements solides
En 2024, Madrid a capté une part majeure des 18 milliards € d’investissements immobiliers injectés en Espagne (Idealista, avril 2025). Les biens haut de gamme offrent des rendements locatifs de 4,5 à 6,5 %, bien au-dessus de la moyenne européenne.



Des loyers en hausse rapide
Depuis 2015, les loyers ont augmenté de 122 % à Madrid, contre 94 % en moyenne nationale (idealista, juin 2025). En juin dernier, le loyer moyen s’établissait à 20,1 €/m², soit une augmentation de 9,7 % sur un an (Fotocasa, juillet 2025).
Le phénomène est constant : +28,2 % sur cinq ans, avec +13,4 % entre mai 2023 et mai 2024 (idealista, mai 2024).
Un marché durablement sous tension
Les permis de construire ont dégringolé de 600 000 à moins de 90 000 par an en quinze ans, creusant un déficit estimé à 600 000 logements (El País, janvier 2024).
Par ailleurs, le logement social est quasi inexistant : entre 1,6 % (Idealista, 2023) et 2,5 % selon d'autres sources, contre 9 % en moyenne européenne (El País, avril 2024).
Entre 2015 et 2023, 45 % des locataires madrilènes vivaient en situation de vulnérabilité économique (Banque d’Espagne, 2023).
Airbnb : au-delà du symbole
La mairie de Madrid a recensé 15 000 logements touristiques illégaux dans le centre, sans licence (El País, mai 2025). Airbnb défend représenter moins de 1 % du parc, en rappelant avoir généré 1,1 milliard d’euros en 2024 et soutenu 12 000 emplois (Airbnb, janvier 2025).
Toutefois, dans les zones où les locations touristiques dépassent 10 % du parc, les loyers ont progressé de 30 à 33 % en deux ans (Expansión, avril 2025).
Madrid sous tension : quel visage demain ?
Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas la disparition de Madrid en tant que ville attractive, mais son redéploiement comme ville rentable — pour investisseurs, plateformes, et propriétaires multiples — aux dépens de l’habitabilité quotidienne.
Ce que ça change
Madrid reste vivante, mais certains quartiers glissent lentement vers un usage spéculatif. Derrière les façades rénovées, la ville devient aussi un actif. Et cela pose, en creux, une autre question : qui pourra encore y vivre durablement ?



