
Traditionnel, Madrid ?
La vie des quartiers populaires avec leurs fêtes et célébrations... Tout ce qui fait d'un·e Madrilène un Gato ou une Gata.
Castizo & Gato : les "vrai·es" Madrilènes, l’âme authentique de Madrid
À Madrid, il y a des mots qui claquent, qui racontent l’âme de la ville. Parmi eux, castizo et gato font partie du patrimoine culturel madrilène.
Castizo n’est pas qu’un simple adjectif : c’est un véritable art de vivre madrilène. Ce terme désigne le Madrid d’origine, celui qui refuse de se noyer dans la foule touristique, qui respire encore les traditions, la castagne parfois, le flamenco dans la rue, la passion brute. Indéfinissable et non défini, castizo, ce serait du madrilène pur jus, fier de ses racines madrilènes, souvent un peu rugueux, mais toujours authentique.
Quant au gato, c’est le surnom affectueux donné aux natif·ves de Madrid. Être un·e gato/a signifie être né·e et avoir grandi dans la capitale espagnole, connaître ses ruelles, ses secrets, ses bars cachés. C’est ce mélange d’attitude fière et de chaleur humaine qui fait de Madrid plus qu’une capitale : une véritable famille.
Être qualifié de castizo ou de gato à Madrid, c'est le compliment ultime : on fait partie de la maison,.
Derrière ce folklore du “vrai Madrilène”, Madrid est surtout une ville dynamique, accueillante et en constante évolution. Où chacun·e trouve sa place, qu’iel soit pur produit local ou nouvel·le arrivant·e.


Fêtes de San Cayetano, San Lorenzo et Virgen de la Paloma
Un des temps forts de l'année dans les traditions populaires (et religieuses) madrilènes. Du 1° au 15 août, les habitants des quartiers les plus populaires pavoisent les rues et sortent tables et chaises. On reçoit.
Processions, bals, concerts de rue... Les comités de quartier vendent limonade et sangria maison, et des couples de danseurs se baladent de rue en rue pour montrer à tous la grâce du chotis madrileño.
Les célébrations de la Virgen de la Paloma remontent au 18° siècle. Elles ont évolué avec leurs époques, aujourd'hui elles mêlent heureusement le folklore et les DJ, les jeunes et les vieux, l'authentiquie et la pacotille. Et elles sont l'occasion pour toute une partie de la ville, encore aujourd'hui boudée par les touristes - qui ne savent pas ce qu'ils ratent - de se faire belle !
On adore Madrid au mois d'août !
Lavapiés, La Latina
Nouvel An à Madrid
Nochevieja
Chaque année, sous les caméras de toutes les chaines de télévision du pays, des milliers de personnes se rassemblent sur la Puerta del Sol pour célébrer le nouvel an (Nochevieja) en avalant 12 raisins, au son des douze coups de minuit donnés par la cloche de la Real Casa de Correos.
Le rituel est immuable Quelques secondes avant minuit, le carillon sonne les quatre quarts, qui annoncent l'imminence des douze coups de minuit, espacés de 3 secondes. À chacun des coups, toute l'Espagne avale un raison, préalablement débarrassé de sa peau (ça passe mieux), avant de se souhaiter la bonne année.
Plusieurs légendes expliquent l'origine de la tradition des raisins. La plus enracinée parmi les Espagnol·e·s la situe en 1909. La récolte avait été si abondante que les viticulteurs en offrirent une partie aux citoyen·ne·s, en leur faisant croire que les manger durant la nuit de la Saint-Sylvestre leur porterait chance. Même si dans les pages du quotidien La Ibera de 1892, mention est déjà faite des 12 raisins du Nouvel An...
Reste que le canular a pris force et plus d'un siècle plus tard, dans toute l'Espagne, on mange 12 raisins, un pour chaque mois de l'année à venir. Une tradition amplifiée par la liturgie télévisée.
Photo : Nocheviaja à la Puerta del Sol en 1912


le défilé des Rois Mages
Cabalgata de Reyes
Ce n'est pas le jour de Noël mais celui de l'Épiphanie, que les enfants espagnol·e·s reçoivent des cadeaux. S'iels ont été sages, sinon, ce sera du charbon ! Et les cadeaux sont distribués dans toutes les maisons du pays par... les Rois Mages.
La veille, le 5 janvier, les Rois parcourent la ville dans un défilé spectaculaire, qui d'année en année voit sa mise en scène prendre un peu plus l'allure d'une parade RTL (les Belges comprendront) : c'est la cavalcade (cabalgata en castillan). Sur de scintillants carrosses, Melchior, Gaspard et Balthazar descendent le Paseo de la Castellana, accompagnés de toute une caravane de marionnettes géantes, d'astres dansants (dont la fameuse étoile de Belén), d'anges et de créatures.
Au cœur de cette fête, un parfum de religion bien sûr, avec le souvenir de la course des Rois Mages suivant l'étoile jusqu'à l'Enfant Dieu, mais aussi un symbole de transmission entre générations. Plus qu'un jouet, c'est leur expérience, leurs valeurs et leurs soins qu'offrent aux enfants leurs aîné·e·s.
La première cavalcade aurait eu lieu en 1866 à Alcoy (Alicante). À Madrid, la cabalgata a peu à peu remplacé l'antique "fête de l'échelle" née au début du 19° siècle. Alors, la populace dressait des échelles sur les murailles de la ville pour scruter à l'horizon l'arrivée des Rois Mages venus dans la nuit du 5 janvier... quémander du vin. Dans un esprit carnavalesque, perpétué depuis plusieurs siècles par les plus humbles de la population madrilène, qui le 5 janvier laissaient leur travail dès la nuit tombée pour une fête bruyante et alcoolisée.
Semana Santa
entre le dimanche des rameaux et le dimanche de Pâques
Intensément
La Semaine Sainte attire à Madrid des milliers de visiteur·euse·s venu·e·s de toute la péninsule, et d'ailleurs, pour assister aux nombreuses et spectaculaires processions.
Églises et basiliques donnent des concerts de musique sacrée tandis que les plats traditionnels sont proposés par de nombreux restaurants et bars.
Madrid célèbre la Passion et la mort du Christ, intensément.
Musique sacrée
La Semana Santa de Madrid est l'occasion d'un riche programme de musique sacrée dans les différentes paroisses. Celui de l'Église San Ginés, consacré à l'orgue, attire les foules depuis près de 20 ans.
Bach, Reger, Messiaen, Mozart... les saetas (des chants populaires) et la tamborrada finale, un concert de tambours très prisé.
Processions
Pas lent et cadencé par le battement des tambours, visage dissimulé sous un costume intégral qui remonterait à l'Inquisition, dit "nazaréen" (une tunique et une capuche de forme conique, appelée capirote), voici le pénitent. Homme ou femme.
À Pâques, les superbes icônes hébergées dans les différentes églises sont parées de cierges et de fleurs pour sortir en procession dans les rues et avenues de la ville. Elles sont accompagnées par les Nazaréens.
Les processions les plus populaires à Madrid sont celle des confréries de Gran Poder y Macarena, de Jesús Nazareno, de la Soledad et du Divino Cautivo, qui sortent le jeudi. Celles de Jesús Nazareno de Medinaceli, des Siete Dolores y du Santo Entierro, le vendredi. Et celle de la Soledad y Desamparo le samedi.


Ferias (corridas)
Qu'on adore ou qu'on déteste, de mai à octobre, Plaza de las Ventas, c'est la saison des "toros", les corridas. Et c'est tous les dimanches, voire plus.
La saison commence le 2 mai, par la "corrida goyesca", une représentation en costumes du 19° siècle (le siècle du peintre Goya). Quelques jours plus tard commence la Feria Taurina de San Isidro qui durant près de quarante jours fera de Madrid la capitale de la tauromachie, avec les matadores les plus prestigieux, pour près de 25 compétitions.
Les journées les plus attendues de cette série sont le 15 mai (San Isidro, le patron de Madrid) et la Corrida de la Prensa, organisée depuis 1900 par la presse madrilène.
La saison se clôture en octobre par la Feria de Otoño, même si la Plaza de Vistalegre, couverte, donne quelques sessions en hiver.

Madrid Orgullo (MADO)Fiertés LGBTQIA+
Madrid est une destination gay internationale. Et sa "gay pride" attire des dizaines de milliers de personnes. Les festivités commencent chaque année fin juin (le 28.06 est le jour anniversaire des émeutes de StoneWall, qui marquent la naissance du mouvement collecitf LGTB. Elles durent une semaine et culuminent avec une grande manifestation revendicati e et festive.MADO, c'est une vaste programme culturel, sportif, festif. Concerts, conférences, soirées. Une occasion de se rencontrer, de se montrer, d'affirmer que l'amour n'a aucune frontière et que la diversité n'est pas négociable. Ames a quien ames, Madrid te quiere.
Botellón à Madrid : la nuit commence sur les pavés
Avant les bars, avant les clubs, il y a la rue. À Madrid, le botellón marque souvent le vrai début de la soirée. Pas organisé, pas officiel, mais bien réel : quelques ami·es, quelques bouteilles, un coin de place, et la ville devient salon.
Ce n’est pas qu'une question de budget. Le botellón est aussi une manière de se retrouver, de s’installer dans l’espace public. Pas de code, pas de dresscode. Juste des canettes, de la conversation, un peu de musique...
Les lieux changent, l’esprit reste. Plaza del Dos de Mayo à Malasaña, Nelson Mandela à Lavapiés, Campo de la Cebada à La Latina… Ou simplement un banc, un trottoir, un muret - les meilleurs botellones sont souvent les plus discrets.
Officiellement, l’alcool dans l’espace public est interdit à Madrid. Mais tant que l’ambiance reste tranquille, la ville ferme les yeux. Si les sacs débordent, si les enceintes hurlent, l’amende peut tomber. Mais globalement, chacun connaît les règles du jeu.
Le botellón reste une scène sociale à part entière. Étudiant·es, jeunes travailleur·ses, voisin·es, fêtard·es sans plan : tout le monde s’y croise. Une autre manière de vivre Madrid. De se l’approprier. Ensemble, sans effort.


révolution et tradition
Et la movida ?
C’était un moment magique, d’une spontanéité jubilatoire, on ne s’en rendait pas tout à fait compte. Rien ne se faisait de façon préméditée, tout était nouveau, frais, tout était magnifique. (Rossy de Palma, sur Radio France)
C'est le retour de la démocratie, la fonte de la chape de plomb imposée par le dictateur Franco et le pire de l'église espagnole. En 1975, à la mort du généralissime, l'Espagne aux couleurs vives explose. À Madrid surtout - mais aussi à Barcelone -, qui en ressortira profondément et durablement transformée.
Le mouvement hippie était passé totalement inaperçu au pays de l'Opus Dei, comme si le pays tout entier avait fait une pause de 4 décennies. La movida va aider l'Espagne à rattraper son retard en matière de mœurs, d'idées, de créativité...
C'est une révolution culturelle, artistique et morale. Sur un terreau de fête permanente (et de drogues, et de sexe). Un élan créatif et moderne, libéré de la censure et de l'autocensure, surréagit à des décennies d'oppression : Alaska, Mecano, Almodóvar, Ágatha Ruiz de la Prada se rencontrent dans les bars de Malasaña. Féminisme, revendications lgbt+, abolition de la peine de mort et légalisation des contraceptifs en 1978, de l’avortement en 1985.
La récupération de la mémoire historique
En 2006, le Congrès espagnol adoptait enfin la "Loi pour que soient reconnus et étendus les droits et que soient établis des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de violence durant la Guerre Civile et la Dictature." Deux ans plus tard, Mariano Rajoy annonce : "Pas un seul euro du Trésor public pour récupérer le passé." (20 minutos, 22.02.2008)
Depuis le milieu des années 1990, la vague mémorielle submerge la vie politique, des voix s'élèvent pour réclamer un retour critique du pays sur son passé et refuser la vision de la Guerre Civile comme un conflit dont tous les Espagnols seraient également coupables. Et pour exiger la condamnation officielle du régime franquiste et la reconnaissance de ses victimes.
Derrière cette loi, il y a pour des milliers de familles l'espoir de retrouver leurs morts, les identifier et leur offrir une sépulture. Et pour d'autres, l'espoir de retrouver leur enfant volé...
Tous les jeudis soir, une poignée de manifestants, pour la plupart âgés, se réunissent pour exiger l'application de cette loi fondamentale pour la réconciliation. Et ils sont ravis d'accueillir des étrangers dans leurs rangs !
manifestation tous les jeudis soir, depuis 2010, Puerta del Sol


De Madrid al Cielo
Littéralement : "De Madrid au Ciel". C'est le dicton le plus usé d'Espagne, on l'emploie de manière intempestive pour signifier que tout ici est mieux ou plus. Nulle part ailleurs, quoi...
Son origine est floue, bien sûr.
Une légende raconte que toutes les nuits, du côté de la Casa de Campo, se réunissent les âmes des défunt·e·s madrilènes, juste avant de s'envoler vers le ciel.
On dit qu'elle s'est popularisée à la fin du 18°, suite aux transformations en profondeur de la vieille cité castillane, sous le règne de Carlos III (qu'on appelle aussi le meilleur maire de Madrid) en capitale moderne du vaste empire.
La thèse la plus fiable nous vient de la littérature. C'est dans une œuvre de Luis Quiñones de Benavente, Baile del invierno y del verano, qu'on trouve ces vers : Pues el invierno y el verano, en Madrid solo son buenos, desde la cuna a Madrid, y desde Madrid al Cielo. (Eh bien, l'hiver et l'été à Madrid ne sont que bons, du berceau à Madrid et de Madrid au Ciel.)