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  • Photo du rédacteurVincent

Autoportrait aux gants, de Albrecht Dürer, chef-d'œuvre au Musée du Prado

Dernière mise à jour : 4 mars

Dans ce selfie peint en 1498, Dürer se présente en gentilhomme pour nous dire que la peinture est un art noble, rien de moins. Au 15° siècle, c'est gonflé. La peinture, la sculpture, ce qu'on appellera plus tard les "beaux-arts", étaient alors considérées comme des "arts mécaniques". Dürer fait donc preuve d'une certaine audace revendicatrice dans ce beau tableau.

Il s'habille de tons clairs et se met ostensiblement sur son 31. Il porte un pourpoint en brocart blanc et noir ouvert, qui laisse voir une chemise blanche bordée d'or, une casquette à pompom assortie à sa veste, une cape marron retenue négligemment par un cordon tressé de soie bleue et blanche. Très chic, même sexy...

Un détail, surtout : le choix de gants gris en peau de chevreau, qui marquent un statut social élevé. Le peintre veut nous montrer ses mains comme celles d'un artiste, plutôt que celles d'un artisan. Et par-là, comme le font déjà les Italiens, place la peinture au rang des "arts libéraux" (ceux qui donnent à l’homme la maîtrise de l’expression orale et écrite et la possibilité de rendre compte de l’ordre de l’univers créé, au contraire des arts mécaniques, qui reposent sur des techniques et des métiers*).

Autoportrait aux gants, de Albrecht Dürer, chef-d'œuvre au Musée du Prado

Albrecht Dürer, Autoportrait aux gants, 1498, huile sur bois, 52 x 41 cm, Museo del Prado, Madrid

Dans ses lettres et dans d’autres écrits, Dürer a plusieurs fois souligné que le niveau social et économique des artistes allemands était très différent de celui des artistes italiens. Un manifeste appuyé, peut-être, par le recours dans la composition à l'usage très italien de puissantes lignes verticales et horizontales, qui s'imposent dans le cadre de la fenêtre en arrière-plan. Cette monumentalité géométrique est reprise dans la pose du sujet, qui repose sur son avant-bras, dans un L parfait.

Malgré la sensualité dégagée par sa mise, Dürer s'est incarné dans une attitude de dureté, de froideur, de maîtrise absolue, un regard pénétrant et puissant, tracé avec minutie, qui est le propre de ses portraits. Dans cet autoportrait, Dürer se complait dans son propre aspect, soigné jusqu’au narcissisme dans chaque détail. Une représentation sous l’aspect d’un jeune homme sophistiqué issu de la bonne société. Jusqu'à cette auto-affirmation de créateur qu'on retrouve dans l'inscription du soubassement de la fenêtre, en allemand : "Je l'ai peint d'après ma silhouette, j'avais 26 ans. Albrecht Dürer."

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* Définition trouvée sur Wikipédia.

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